Ouest lubrique (3/5)
Sur le seuil de la chambre, ses chaussures à la main, Maud retint son souffle. Et si Grégory s’était réveillé et avait constaté son absence ? Une série de ronflements sonores provenant du lit la rassurèrent. Nikos ronflait-il ? Elle n’aurait pas l’occasion de le vérifier puisqu’ils ne dormiraient jamais ensemble. Le prostitué était une parenthèse dans son existence dont Grégory demeurait le pivot, le centre de gravité. Elle pénétra dans la pièce sans allumer, se déshabilla dans l’obscurité et se glissa entre les draps avec mille précautions. Les ronflements s’interrompirent, puis repartirent de plus belle. Elle se retourna sur le côté droit, certaine de ne pas fermer l’œil. La respiration bruyante de Grégory n’était pas la seule raison, évidemment. Son esprit battait la campagne, obsédé par un homme ni beau ni intelligent, mais qui baisait comme un dieu. Elle se repassa le film de la soirée, s’arrêtant particulièrement à la séquence la plus chaude. Sous ses paupières closes, elle se revit à quatre pattes, subissant les assauts de Nikos. Ce dernier la montait tel un étalon une jument, le visage empreint d’une sorte de sauvagerie. Ces visions ressuscitèrent son désir, le portèrent à son pinacle. Pendant que Grégory dormait du sommeil de l’innocence, les doigts de Maud s’activèrent ; le résultat ne se fit pas attendre. Le corps de la jeune femme se recroquevilla sous les soubresauts d’un plaisir aigu que Nikos lui donnait par procuration.
Des bras autour d’elle et un baiser piquant la réveillèrent. Elle mit quelques secondes à réaliser que ce n’était pas Nikos qui l’enlaçait et l’embrassait, mais son compagnon de tous les jours.
– Bien dormi, ma chérie ? lança ce dernier d’un ton joyeux. Ma vilaine grippe a l’air partie.
Maud ouvrit les yeux et porta sur Grégory un regard sans concession. Mentalement, elle compara ses tempes dégarnies à la tignasse de Nikos, ses yeux bleus larmoyants aux yeux noirs pleins de feu de l’escort boy. La veste de pyjama de Grégory s’ouvrait sur un torse grassouillet et sa solide bedaine débordait du pantalon trop serré à la taille. Il était déjà ainsi quand Maud l’avait rencontré ; par quel miracle avait-elle pu s’éprendre de ce petit bonhomme ventripotent ?
La séduction propre aux hommes de pouvoir n’expliquait pas tout. Indépendamment du prestige attaché à sa fonction, l’intelligence et l’humour de Grégory, sa capacité d’écoute, lui conféraient un charisme auquel elle n’avait pas résisté. Coucher avec un homme de quarante ans son aîné ne lui avait pas coûté, bien au contraire. À elle, novice dans les choses de l’amour, il avait appris le plaisir physique. Elle lui en savait gré, même si la passion du début avait fait place à une affectueuse connivence.
– Je bande, murmura-t-il soudain en serrant la jeune femme plus fort contre lui.
Maud sursauta. Elle venait juste de se dire que le sexe était passé au second plan de leurs relations : une façon peut-être de se dédouaner. Grégory prit la main de Maud et la plaqua contre son sexe. C’était drôle, tout à l’heure, elle avait accompli un geste identique de sa propre initiative. Là s’arrêtait la similitude car la verge du président était aussi molle que celle de Nikos était triomphante. Maud s’affaira à lui donner de la tenue tandis que les doigts de Grégory plongeaient sous sa chemise de nuit. Il rit doucement.
– Je comptais me rendre au bureau ce matin, mais vu la tournure des choses, je prends l’option grasse matinée. Un coup de fil à Viviane et le tour sera joué.
Viviane était la secrétaire particulière du président : une peau de vache qui n’avait pas ménagé les humiliations à Maud quand celle-ci était petite stagiaire. Maud feignit de se réjouir ; en réalité, elle éprouvait un mélange de gêne et de dégoût à l’idée de faire l’amour avec Grégory après avoir baisé avec Nikos. Elle réussit à se dominer, à chasser de son esprit toute pensée. Comme une automate, elle s’efforça de la bouche et des mains, de ranimer la virilité défaillante du président. La pénétration fut laborieuse bien que l’intimité de Maud soit baignée d’un flux abondant, et l’érection se perdit, tel un oued dans le désert.
– Désolé, soupira Grégory. J’avais bien cru…
D’un geste apaisant, elle caressa le sommet de la tête où les cheveux s’éclaircissaient.
– Ce n’est rien ; tu n’es pas en superforme. Quand tu seras rétabli…
– Nous retournerons au Fahrenheit. J’ai entendu parler d’un certain Alexandre des plus talentueux ; les femmes se l’arrachent.
Il lui présentait ce garçon comme s’il s’agissait d’une friandise. Maud se raidit ; hors de question pour elle de se laisser toucher par un autre que Nikos. Il devait bien exister un moyen d’y échapper.
Je suis amoureuse, songea-t-elle dans un éclair de lucidité, avant de se raisonner. L’attrait qu’exerçait Nikos sur elle était d’ordre exclusivement physique, ses sentiments la portaient vers Grégory qui, à présent, jetait hors du lit ses jambes courtes et dépourvues de poils. Elle se le répéta pour s’en persuader.
La raison est une chose, l’appel des sens en est une autre, s’il fallait mettre un nom sur ce que Maud ressentait pour cet être rencontré par hasard. Deux semaines s’étaient écoulées depuis cette nuit et elle ne cessait d’y penser. Le revoir, se laisser prendre par lui…elle en crevait d’envie, mais droguer à nouveau Grégory s’avérait trop risqué. À son grand soulagement, le plan cul avec le fameux Alexandre ne s’était pas encore concrétisé ; Grégory avait trop de rendez-vous à honorer.
– Je préférerais t’honorer, toi, avait-il ajouté en plaisantant.
Le spectre d’une étreinte honnie s’éloignait provisoirement.
*
– Drôle de tenue, observa Grégory. À mon avis, elle conviendrait mieux à la petite virée dont je t’ai parlé.
Maud évita le regard trop perspicace dans le miroir où elle vérifiait l’ordonnance de sa coiffure. Une invitation à dîner de son parrain, annulée au dernier moment, lui avait offert une superbe occasion de retourner dans le quartier de l’Ouest.
– Tu trouves ma robe vulgaire ? demanda-t-elle.
Grégory baisa l’épaule dévoilée par le décolleté asymétrique.
– Non, peu adaptée à un tête-à-tête avec ce vieux Mirko, c’est tout.
– Même s’il est gay, Parrain est très sensible à l’élégance féminine.
– Oui, l’emballage l’intéresse davantage que le contenu.
Maud fut agacée. Dans chaque mâle hétéro, sommeillait un fond d’homophobie, et Grégory n’échappait pas à la règle. Son intuition lui dictait que Nikos, malgré son amoralité foncière, n’aurait jamais fait ce genre de réflexion.
– Enfin, amuse-toi bien, ma chérie, enchaîna Grégory. Moi, ce sera plus austère, j’ai une montagne de dossiers en souffrance. Ne rentre pas trop tard !
Amuse-toi bien. Maud éprouva une courte honte, vite dissipée. En jetant sa maîtresse dans les bras d’hommes jeunes et virils, Grégory n’avait-il pas joué les apprentis sorciers ? En fin de compte, il récoltait ce qu’il avait semé.
Elle partit le cœur léger : rien à voir avec la dernière fois. Elle se sentait sûre d’elle, de sa capacité de séduction. Le jugement de Grégory sur sa robe ne l’avait pas déstabilisée comme il l’aurait fait il y a peu. « Je grandis, pensa-t-elle, je déploie mes ailes. » Cette perspective l’enivrait.
Le trajet en taxi avec un autre chauffeur, moins loquace que le premier, l’arrêt devant l’immeuble aux murs lépreux, le vantail vermoulu, l’escalier grimpé allègrement sur des talons d’une hauteur raisonnable. La vue de la porte entrebâillée l’intrigua. Bah ! Nikos avait dû négliger de la refermer. Aucun bruit ne provenait de l’intérieur, aucune lumière ne filtrait. Et s’il était sorti ? Pourtant, il lui avait dit : « Je fréquente de moins en moins les boîtes, les clientes viennent directement chez moi : pratique et discret. »
L’idée qu’il pouvait se trouver avec l’une d’elles n’effleura pas Maud. De petits bruits provenant du fond du couloir auraient dû l’alerter, mais elle y prêta à peine attention tant un sentiment d’invincibilité l’animait. Aussi le spectacle qu’elle découvrit la cloua-t-elle sur place. La porte largement ouverte de la chambre laissait voir un homme de dos, en train de besogner une femme adossée au mur d’en face : Nikos et une inconnue. Une lampe de chevet projetait une lueur anémique sur les corps en mouvement. Maud, suffoquée, s’appuya au chambranle pour ne pas tomber. Le premier choc passé, elle se concentra sur la partenaire de Nikos ; ce dernier lui dérobait son visage, seule la chevelure qui l’encadrait était visible, longue, d’un blond pâle.
Une décolorée, se dit Maud au milieu du tumulte de ses émotions. De loin, les jambes enroulées autour des hanches de l’homme lui semblèrent belles et élancées. Une violente jalousie la poignarda. Elle avait eu la naïveté de croire que l’escort boy ne baisait que des antiquités. Là, ce n’était visiblement pas le cas. Nikos mettait du cœur à l’ouvrage, bougeant ses fesses musclées avec une énergie qu’il n’avait pas déployée pour elle ; du moins était-ce le sentiment de la jeune femme. Chaque coup de boutoir arrachait à sa cliente les gémissements entendus par Maud. Conscience professionnelle ou désir réel, dénué de mercantilisme ? Maud n’en finissait pas de s’interroger ou plutôt de se torturer.
L’un et l’autre étant trop absorbés pour s’apercevoir de sa présence, elle esquissa quelques pas hésitants dans leur direction. À présent, elle voyait mieux sa rivale, bien que les traits de la blondasse, comme elle la surnommait déjà, lui soient cachés. Ses cuisses, si appétissantes de loin, étaient en réalité maigres et d’aspect flasque, idem pour ses bras enserrant le cou de Nikos. Si elle retirait ses mains, Maud était certaine d’y voir les taches brunes révélatrices de l’âge. Sa mère avait les mêmes, sauf que la fière Iris Kerman ne s’abaisserait pas à payer un gigolo.
L’exultation de Maud fut de courte durée. D’un ultime coup de rein, Nikos venait de propulser la sexa, – ou septuagénaire – au septième ciel. Tous deux parurent s’affaisser, dans le relâchement des muscles. Les jambes grêles se détachèrent des hanches de Nikos, glissèrent pour reprendre appui sur le sol. Nikos s’écarta, dévoilant sa partenaire dans son entier. Viviane, Viviane Cerutti, la secrétaire particulière du président. Maud tombait de haut. Ainsi, c’était elle, la cliente généreuse, cette femme pincée, en tailleur strict, le chignon raidi de laque ? Échevelée, les seins pendant, telles deux outres vides, le ventre strié de multiples plis, le mont de Vénus dégarni, elle aurait presque inspiré de la pitié à Maud sans l’expression alanguie de sa figure : celle de la femelle comblée. Le sourire béat se changea en grimace quand elle aperçut la jeune fille.
– Vous ! Que faites-vous ici ?
– Je vous retourne la question, répliqua Maud avec un sang-froid dont elle ne se serait pas crue capable.
Viviane éclata d’un rire grinçant, pareil à une pompe rouillée.
– Ça se voit assez, non ? Par contre, vous, je ne saisis pas très bien la raison de votre présence. Et elle ajouta : Grégory est-il au courant ?
– Ça ne vous regarde pas.
Pendant leur échange, Nikos n’avait pas bougé, mais les muscles tendus de son dos renseignaient Maud sur son état d’esprit. Il pivota lentement et, sans un regard pour elle, s’adressa à Viviane d’un ton sec :
– Elle a raison ; tu n’as pas à t’en mêler.
Le rire de la blonde décolorée se transforma en grimace ; ses sourcils aussi clairsemés que son sexe se froncèrent.
– Charmant ! s’exclama-t-elle. Si tu le prends comme ça…
Elle se baissa, ce qui attira l’attention de Maud sur ses fesses en tôle ondulée, ramassa ses vêtements épars et les enfila en hâte. Puis elle se dirigea vers la porte d’une démarche altière, telle une reine offensée. Nikos la rattrapa.
– Ne sois pas stupide, dit-il d’une voix altérée.
Il l’avait saisie par le bras ; elle se dégagea avec humeur.
– Tu ne me trouves pas stupide quand j’alimente ton compte en banque. Cette petite n’a pas le rond, tu as misé sur le mauvais cheval, tant pis pour toi, je te croyais plus malin.
– Viviane… arrête ! Ce n’est pas ce que tu crois, bêla-t-il.
Elle l’écarta, telle une mouche importune et poursuivit son chemin, son sac Vuitton sous le bras, ses pâles cheveux en désordre lui façonnant un look de sorcière. Cette fois, Nikos ne lui cavala pas après. Il alla s’asseoir sur le lit. De profil, les épaules abaissées, son sexe réduit à une petite chose minuscule, il avait l’air pitoyable. Maud eut envie de le prendre dans ses bras, mais renonça. Il risquait de la repousser, bien qu’il l’ait défendue tout à l’heure. Ses réactions étaient imprévisibles. Tel un automate, il ouvrit le tiroir de la table de chevet et en retira un sachet plastique. Ce dernier contenait une poudre blanche dont Nikos versa une quantité infime dans le creux de sa main : de la coke. Maud, fascinée, le regarda inhaler la drogue à longs traits. Elle pensait qu’il avait oublié sa présence, mais au bout d’un moment, il se tourna vers elle.
– Ma dose journalière, expliqua-t-il d’un ton laconique. J’en ai besoin pour satisfaire mes vieilles. Viviane est encore bien pour son âge ; par contre, les autres…il y en a de hideuses, tu n’as pas idée.
Non, elle, n’avait pas dû vendre son corps pour vivre ; elle avait de la chance par rapport à lui, celle d’avoir vécu dans un cocon où l’avaient maintenue ses parents d’abord, Grégory ensuite. Elle dit bêtement :
–Tu pourrais faire autre chose.
Nikos rit, dardant sur Maud un regard trop fixe et trop brillant.
– Et quoi, à ton avis ? À part contenter ces dames, je n’ai aucune aptitude. Serveur de restaurant ou barman, oui, ça je pourrais, mais je gagnerais dix fois moins d’argent. J’économise pour quitter ce quartier pourri et me tailler une place au soleil.
– Désolée, à cause de moi, tu as perdu une source appréciable de revenus. Je n’aurais pas dû venir.
– Non, au contraire, tu m’as épargné un second et même un troisième round. Viviane a le don de vous mettre sur les rotules.
– Mais si elle ne revient pas…
– Je n’aurai qu’à claquer des doigts pour la voir accourir. Pour l’instant, elle est en colère ; demain, elle se traînera à mes pieds.
Comme il est sûr de lui !se dit Maud. Si Grégory avait fait ce genre de réflexion, elle l’aurait taxé d’arrogance. Là, elle s’émerveillait.
– Au fait, d’où la connais-tu ? interrogea Nikos.
– Je n’ai pas envie d’en parler.
– Ok, la discrétion est de mise dans ce boulot. J’ai déjà oublié que ton mec est un voyeur friqué prénommé Grégory.
Maud se raidit. Parler de Viviane, c’était parler du président et elle s’y refusait. Visiblement, Nikos n’avait pas fait le rapprochement entre le Grégory de Maud et le plus haut personnage de l’État. Cela paraissait incroyable, mais l’escort semblait ne pas s’intéresser à grand-chose en dehors de ses préoccupations matérielles.
Attirant Maud à lui, il l’assit d’autorité entre ses cuisses. À travers l’étoffe de sa robe – elle avait ôté son manteau en arrivant –, la chaleur de la poitrine velue se diffusa, créant une sensation de bien-être incomparable. Maud sentit le sexe tout à l’heure si dérisoire, durcir au contact de ses fesses. Elle commença à mouiller. « Jolie robe, chuchota Nikos à son oreille. » sans manifester la moindre velléité de la lui enlever. Il ne touchait pas Maud, se contenant de la tenir contre lui. Que voulait-il au juste ? La rendre folle ? Au bout d’un moment, elle n’y tint plus ; elle se libéra de son étreinte et glissa sur le sol. Il lui suffit de se retourner pour que sa tête se trouve au niveau de l’entrejambe masculin.
La vue du sexe bandé mit un comble à l’excitation de Maud. Jusqu’ici, elle s’était laissé conduire sans prendre la moindre initiative. À présent, elle désirait agir, prendre les choses en main, au propre comme au figuré. Ses deux mains jointes enserrèrent la base du membre et ses lèvres s’avançaient pour le happer quand Nikos, lui pressant l’épaule, l’arrêta.
– Je dois d’abord me laver.
– Non ! fit Maud d’un ton sans réplique, s’il te plaît…
Elle le voulait encore imprégné des sucs de Viviane mélangés aux restes de semence. Désir inconscient de se rapprocher de sa rivale ou curiosité un peu perverse ? Impossible de le démêler. Avec un soupir qui signifiait : À ton gré ! Nikos se renversa sur le lit et écartant davantage les cuisses, se livra au caprice de sa partenaire.
*
Une fois le membre englouti, une saveur âcre emplit le palais de Maud ; elle eut un haut-le-cœur, mais passa outre. Elle commença par titiller le gland de la pointe de la langue, puis fit courir celle-ci le long de la hampe. Une odeur iodée montait à ses narines, comme quand elle marchait au bord de la mer, sur la plage de son île natale. Nikos gémit, se souleva ; ses doigts plongèrent dans les cheveux de Maud qui, devant l’excitation de son partenaire, redoubla d’efforts, alternant coups de langue et caresses des lèvres. En même temps, ses mains s’activaient, la droite massait la base du sexe pendant que l’autre caressait tendrement les couilles.
Elle ne se souvenait pas d’avoir traité Grégory de cette façon. D’ailleurs, le président n’aimait guère les fellations ; pour lui du temps perdu. Il préférait aller droit au but, en homme pressé et dédaignait ce qu’il appelait « les fioritures. » Nikos s’agitait de plus en plus, le souffle rauque, les ongles plantés dans le crâne de Maud. Avant que le jet libérateur ne fuse dans la gorge de la jeune femme, une vision surgit devant ses yeux : Viviane adossée au mur, Nikos la bourrant avec frénésie. Voilà ce qu’elle voulait : être à la place de cette vieille truie. Sous le choc de cette évidence, elle interrompit le processus qui devait propulser Nikos au summum de la jouissance. Il resta un instant immobile, sans comprendre, puis souffla, la bouche dans les cheveux de Maud :
– Que se passe-t-il ? Tu n’as plus envie ?
Le sexe gonflé s’échappa des lèvres de Maud et retomba sur le côté. La jeune femme leva sur Nikos qui avait redressé la tête, un regard chargé de sens :
– Si, mais pas de ça. Prends-moi comme tu as pris Viviane.
– Ok, à ton service.
Ne pouvait-il se retenir de lui rappeler son métier ? Maud, agacée, tira sur l’épaulette unique de sa robe qui se déchira. Tant pis ! Sa poitrine jaillit, menue et blanche, sous l’œil appréciateur de Nikos. D’un bond, il fut près d’elle.
– Beaux petits seins, souffla-t-il, en embrassant les pointes drues.
– Plus beaux que ceux de Viviane ?
– C’est sans comparaison. Les siens ont été remontés tant de fois !
Il rit. La relation avec la secrétaire devait durer depuis pas mal de temps. La jalousie dévorait Maud et parallèlement, l’aiguillonnait, lui donnait envie de se dépasser, de procurer à Nikos plus de plaisir que cette femme ne lui en dispenserait jamais. Brusquement, il cessa de rire et soulevant Maud par les hanches, il la porta jusqu’au mur où Viviane s’était appuyée. Les aspérités du crépi s’incrustèrent dans le dos fragile, arrachant à la jeune femme une grimace de douleur. Elle noua ses jambes autour de la taille de Nikos, à la manière de Viviane, ce qui mit leur bassin au même niveau. Sa robe en paquet à la taille, empêchait le sexe de Nikos de se frayer un passage ; il releva le tissu d’une main impatiente, tout en faisant reposer sa charge sur l’autre. Cette fois, plus rien ne s’opposait à leur désir réciproque.
Lorsque le membre raidi par ses soins pénétra dans son intimité, Maud éprouva un mélange de soulagement et d’exaltation. De spectatrice, elle devenait pleinement actrice, au point de regretter que Viviane ne soit pas témoin de la scène. Elle aurait voulu que sa rivale voie Nikos la pilonner avec ardeur. Chaque mouvement de l’homme la rapprochait de l’orgasme, mais en fin tacticien, Nikos le différait, ralentissant un peu pour mieux repartir à l’assaut. Maud se mordait les lèvres ; ses jambes enserraient les hanches de Nikos comme dans un étau pour l’attirer plus profondément en elle. Ses bras, devenus collier de fer autour du cou de l’homme se délièrent et descendirent le long du dos qu’elle laboura de ses ongles. En cet instant, il n’était plus question d’imiter Viviane ; elle voulait la battre sur son propre terrain. Maud, totalement décomplexée, osait des gestes d’une audace inouïe.
Elle se lâchait enfin, se débarrassait de la timidité qui préludait à ses premiers rapports avec l’escort.
Du coup, Nikos accéléra la cadence, déclenchant une onde de spasmes dans le ventre de la jeune femme. Il poursuivit son va-et-vient avant de jouir par petites saccades. Maud s’accrocha au corps masculin au lieu de reprendre appui sur le sol, histoire de se démarquer de sa rivale. Ils restèrent dans cette position intenable jusqu’à ce que les genoux de Nikos fléchissent sous le poids de sa partenaire. Tous deux gagnèrent le lit où ils s’endormirent comme des souches.