Sexagéisme
Le Fouloir et la belle-mère
François était un de ces garçons qu’on appelle des idiots du village. Enfant, il foulait le raisin avec les filles, nu comme un glaçon. Lorsqu’il eut quinze ans, il se jetait dans le raisin en riant au milieu des filles qui criaient d’excitation : on ne l’avait pas vu grandir ; il était déjà un homme. Avec ses grandes jambes musclées, son torse hâlé, son ventre gaufré d’abdominaux plus durs qu’une langue avide, il attirait la convoitise de ces jeunes pucelles dont les cuisses dégoulinaient tandis qu’elles piétinaient les grains.
Le membre large et fort long surtout suscitait des commentaires louangeurs et provoquait des regards en coin, provocateurs, langoureux ou tremblants, des rires piaffants, des gloussements d’envie ou des chuchotements faussement distants.
Le garçon, lui, souriait benoîtement.
Une veuve bien en chair qui écrasait le raisin avec les jeunettes pour la première fois prit une décision immédiate, lorsqu’elle eut passé en revue l’intégralité de ce corps d’athlète, s’étant longuement arrêtée sur son membre puissant.
— Il faut le marier ! asséna-t-elle le soir au village. Sinon, dieu seul sait ce qu’il nous fera ! Vous avez vu comment il est bâti ! Voulez-vous qu’il dépucelle vos filles avant que l’hiver ne soit là ?
Toutes les mères du village se récrièrent. Or aucune n’envisageait de marier sa fille à un tel crétin.
— Je me sacrifie, jeta la veuve de manière fort ambiguë. Ma fille étant un peu idiote, elle aussi, tous deux se marieront d’ici la prochaine lune.
La prochaine lune arrivait dans la huitaine.
Neuf jours plus tard, les voilà mariés.
Cela autorisa la veuve à tenir compagnie à son gendre plus souvent qu’il n’aurait été souhaitable pour une dame de son âge.
La fille n’étant nullement portée sur le ventricule à marmots, la veuve se fit fort d’apprendre au garçon l’art de l’agrandir, quoiqu’il fut chez elle déjà fort large. Elle envoya sa fille fouler le raisin avec les autres, tandis qu’elle se réservait de piétiner ses propres grappes avec son gendre, nue comme lui. Sitôt la porte fermée, elle attrapa le membre du garçon et se mit à le traire, ainsi qu’elle le lui dit. Le raidissement fut instantané. Le garçon en semblait tout étonné. Sans perdre un instant, elle le coucha dans le raisin et fit disparaître en elle le bois de fourche qu’elle guida d’une seule main.
La grasse veuve se tenait aux bords du fouloir, intimant au garçon de lui masser la poitrine, qu’elle avait généreuse. Le garçon, quoique étourdi d’habitude, obéissait gravement, sentant qu’un apprentissage inhabituel et sacré lui était échu. La veuve partit, tête rejetée. Le garçon secoué de spasmes hurla de terreur. Elle le gifla, il se tut, et la voilà qui s’agita derechef. Le bois du garçon restait bandé, une nouvelle décharge la pulvérisa, le garçon la suivit, yeux exorbités, puis il sourit aux anges en demandant : « Encore ? »
— Oui, promit la veuve, demain ! Demain ! Mais surtout, ne dis rien. C’est un secret entre nous !
Cela dura ce que durent les vendanges. Puis l’hiver auprès du feu. Le printemps aux champs. L’été dans les foins.
Le benêt et sa belle-mère vivaient une idylle qui aurait pu durer la vie entière, si des événements désagréables n’étaient venus interrompre leur bonheur.
Des soldats en fuite pénétrèrent dans leur maison et s’en prirent à la demeurée, qu’ils attachèrent avant de lui apprendre l’amour à la dure, l’un après l’autre. Ils étaient sept.
L’idiot assista à la scène en souriant : c’était au tour de sa femme de connaître le bonheur, pensait-il. Elle avait pourtant une curieuse façon de manifester son plaisir. Et pourquoi pas ? N’arrivait-il pas à la veuve de verser des larmes de joie ?
Le dernier soudard étant passé sur le corps de la jeune fille, la veuve surgit, horrifiée. Son jeune amant applaudit lorsqu’il la vit ligotée, prête à être saillie à son tour. Ayant compris à qui ils avaient affaire, les rustres demandèrent à manger et à boire. Le garçon les servit en riant.
Ayant repris des forces, les déserteurs s’attaquèrent à la veuve, qui commença par jeter les hauts cris avant d’en exhaler de plus gémissants, dès le premier soldat. Chacun mit la cuillère dans le plat au moins deux fois, selon l’expression des buveurs, puis ce fut le tour du garçon, dont les mensurations les impressionnèrent tous. Il rendit hommage à sa femme avant de complaire aux exigences des rustauds qui lui demandèrent de rendre ses hommages à la veuve.
Puis ils l’attachèrent et s’enfuirent.
Il ne se passa pas trois semaines avant que la jeune fille mourut de honte et de désespoir. Les femmes du village s’étant aperçues que la veuve couchait avec son gendre, on l’obligea à prendre le voile. La condamnation était intéressée.
Les vendanges revenues, le jeune homme à nouveau libre fut jeté nu dans le raisin. Les femmes déshabillées s’amusaient avec lui, jouant avec son engin l’une après l’autre, profitant de son incroyable endurance.
Les jeunes filles, jalouses, les dénoncèrent. Les hommes chassèrent le jeune homme, qui fut caché par les vierges dans une cave qu’elles creusaient depuis des mois à cet effet. Elle regorgeait de volailles, de cochonnailles, de vin et de bière. Bientôt, les vierges ne le furent plus.
Tout l’hiver, ce fut un défilé ininterrompu. Au printemps, le secret étant éventé, les mères se firent complices de leurs filles et toutes se rendirent dans la cave à leur tour, rendant leur idiot plus idiot encore.
Quelle ne fut pas la surprise des pères, lorsqu’ils découvrirent à la saison des vendanges suivantes que toutes les filles du village accouchaient en même temps, alors qu’elles ne s’étaient mariées, toutes le même jour, qu’au début de l’été !
— Un miracle ! affirma le prêtre, sur l’insistance des mères, qui le menaçaient de révéler à l’évêque ses pratiques avec sa bonne, la fille de sa bonne, la petite-fille de sa bonne et l’arrière-petite-fille de sa bonne, laquelle petite dernière avait tout de même dix-huit ans révolus.
On le crut et tout rentra dans l’ordre.
Autrement dit, toutes les femmes continuèrent à rendre visite à l’heureux crétin, qui continua à engrosser toutes les femmes du village, qui continuèrent à donner naissance durant trente années à près de deux cents frères et sœurs, qui se marièrent, firent des enfants qui se marièrent…
On dit parfois que toute la bêtise du monde vient de ce petit village. D’autres affirment que si cela était vrai, alors le monde serait heureux comme l’était cet idiot, qui serait père, d’ici mille ans, de millions d’êtres humains.
Car c’est depuis lors et en pensant à notre benêt qu’a été inventé « l’imbécile heureux ».
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Vous venez de lire un extrait de Sexagéisme par Ian Cecil, aux Editions Dominique Leroy.
Sexagésime a été publié en mai 2012, Sexagésime 2, La Sarabande des cocus vient de paraître (mai 2013).
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