La vanille de la ravine

La vanille de la ravine

Publiée le 22 juillet 2013  

De nombreux badauds se pressent contre le grillage de l’aéroport Roland Garros à Saint Denis de la Réunion. Ils admirent sur le tarmac une chorégraphie insolite. Les rampes arrières des avions de transport militaire Transall se sont abaissées, laissant descendre des centaines d’hommes venus en renfort de la métropole avec tout leur matériel, y compris les derniers camions tous terrains acquis par les marins pompiers de Marseille. 

Au volant de l’un d’eux, le quartier-maître Claude Nardin n’en mène pas large. Bien sûr, personne ne l’a obligée à s’engager. Personne non plus ne l’a poussée à passer son permis poid lourds et encore moins à se spécialiser dans la conduite de l’engin auquel sont souvent confiées les missions les plus délicates, pour ne pas dire périlleuses. Peut-être une manière plus ou moins inconsciente de répondre à l’image de garçon manqué qui lui colle à la peau depuis son plus jeune âge. Il faut dire que son prénom androgyne ne l’a pas vraiment aidée.

Mais là, dans cette soute d’avion, devant la forte pente de la rampe de sortie, elle transpire. Ce débarquement a pris l’allure d’une parade militaire, en présence des officiels, de la presse écrite et télévisuelle. Si elle glisse, si son camion part de travers, elle sera la risée de tous ses collègues qui n’attendent qu’une occasion de lui prouver qu’elle n’est pas à sa place. Heureusement, tout se passe bien. Elle se gare à l’emplacement qu’on lui indique et rejoint le reste des pompiers dans le salon réservé aux voyageurs de marque, reconverti pour l’occasion en salle de briefing. 

C’est le préfet qui les accueille. L’île de la Réunion connaît une conjoncture naturelle exceptionnellement défavorable. Un cyclone a balayé l’île, laissant de nombreux dégâts sur son passage : maisons détruites, routes inondées, ponts emportés, nombreux villages isolés. Et pour couronner le tout, des incendies se sont déclarés dans des zones très difficiles d’accès. Claude sera basée à Saint-Louis. Elle cache sa déception en apprenant qu’elle n’ira pas au feu. Peut-être parce qu’elle est une femme, encore. Elle fera des missions de reconnaissance vers des villages isolés. Elle transportera des vivres, de l’eau potable et divers matériels de première urgence. Un pompier volontaire local lui servira de guide et d’opérateur radio.                                     

Depuis le petit matin, ils remontent la ravine du Bras de la plaine, encaissée entre deux falaises de plusieurs centaines de mètres de hauteur. Il fait chaud, humide, moite. Dans son camion, elle est en tee-shirt. Virgile, son guide réunionnais s’est mis torse nu depuis longtemps, faisant fi du réglement. Elle ne peut s’empêcher d’admirer en douce la musculature du jeune homme. Elle doit se concentrer sur la conduite. Heureusementque son guide connaît parfaitement le fond de la ravine, les chemins comme le lit de la rivière, la plupart de l’année presqu’à sec. Elle n’a pas d’autres choix que de lui faire confiance. Les performances exceptionnelles du camion sont mises à contribution.

Est-ce la chaleur, la fatigue du voyage, le manque de sommeil, mais son esprit divague et rêve d’autres performances?Quand le camion gravit des pentes à 65%, elle s’imagine escaladant le corps de son compagnon, caressant et embrassant la moindre parcelle de sa peau bronzée. Quand il supporte des dévers à 30%, elle aimerait que ce soit son collègue qui la penche sur le côté pour découvrir de nouvelles positions. Quand il franchit des gués sous un mètre d’eau, projetant des gerbes blanches de part et d’autre, elle pense avec envie à sa semence. 

En fin de matinée, ils arrivent à l’îlet de Grand Bassin. Les habitants les accueillent avec des cris de joie. Les quelques familles qui ont choisi de rester dans ce hameau qui a connu jusqu’à 250 habitants sont pourtant habitués à l’isolement. Mais depuis une semaine, le sentier qui remonte les700 mètres de dénivelé de la muraille est impraticable. Plus grave encore, le monte charge, un téléphérique qui les relie au belvédère de Bois Court, est endommagé et ne peut plus assurer la livraison des marchandises. A cause des bourrasques, il n’est pas envisageable qu’un hélicoptère descende jusqu’à eux.

Après avoir déchargé le ravitaillement destiné à cette population isolée, les deux pompiers doivent utiliser des trésors de diplomatie pour refuser toute invitation à déjeuner. Leur mission est loin d’être terminée, ils se contentent de sandwiches.

Ils repartent sous la chaleur humide. Ils ne disent plus rien. Claude essuie son visage dans une serviette toutes les deux minutes. Elle se sent sale, crasseuse même.

— J’ai une idée, dit Virgile, enfin, si ça te dit. Je connais un peu plus loin une chute d’eau fraîche et claire. Une douche serait la bienvenue si l’on veut rester vigilant, tu ne crois pas ?

La proposition est tentante. La nuit dernière, elle n’a pas pu se laver. Ils ont bivouaqué dans un gymnase où il n’y avait que les douches collectives des vestiaires sportifs. Les deux seules femmes du groupe n’allaient pas risquer de se faire remarquer en demandant aux hommes de leur laisser les lieux, ne serait-ce que cinq minutes.

— Oui, mais,…

— Oh, tu sais, tu ne risques rien avec moi. On ira à tour de rôle pendant que l’autre garde le camion.

Claude réfléchit encore cinq secondes. Ce n’est pas vraiment conforme à la mission. Et puis zut, elle transpire tellement qu’elle ne pourra bientôt plus tourner le volant tellement il est glissant.

— OK, tu m’indiques le chemin ?                                              

Comme promis, Virgile est resté dans le camion, juste avant le virage qui cache la cascade. L’endroit est enchanteur. Un rideau d’eau tombe d’une dizaine de mètres, devant une petite grotte. Le torrent ne doit pas avoir plus de 50 centimètres de fond. Claude s’empresse de se débarrasser de ses rangers si masculines, de ses grosses chaussettes, de son pantalon d’uniforme et de son tee shirt.
Elle a une petite hésitation et regarde le chemin qui va au camion, mais la tentation est trop forte. Elle retire ses dessous et se précipite sous la douche naturelle en tenue d’Eve. Tout d’abord, le froid la saisit, mais c’est si bon. Ses mains parcourent son corps, tentent d'en chasser toute la sueur, toute la poussière accumulée. Elle regrette de n’avoir ni gel, ni savon. Ses mains s’attardent sur sa poitrine.
Alors qu’à longueur de journée, elle fait tout comme un homme pour montrer sa valeur comme pompier, elle redécouvre sa féminité sous cette eau purifiante. Ses doigts jouent sans qu’elle y pense sur ses mamelons qui pointent déjà sous l’effet du changement de température. Elle est bien. Elle ne voudrait être nulle part ailleurs.
Ses doigts redescendent entre ses cuisses, s’immiscent à travers ses poils pubiens, dégagent son clitoris qu’ils massent doucement. Elle ferme les yeux. C’est plus fort qu’elle, ce sont les muscles de Virgile qui lui viennent à l’esprit. Elle ne cherche pas à chasser cette vision. Elle se concentre juste sur son plaisir qui monte, qui monte encore, jusqu’à libérer sa tension dans un orgasme foudroyant. Quand elle reprend ses esprits, elle réalise que quelque chose à changé en elle.

Elle a du mal à se rhabiller, à remettre cette tenue sale et si peu féminine. Sur le chemin, elle rit toute seule. Il a fallu qu’elle aille au bout de son fantasme de mener une mission d’homme pompier, qu’elle soit isolée au fond de cette vallée aux senteurs tropicales, pour découvrir que son désir d’être femme est autrement plus important. 

Quand elle approche du camion, Virgile en descend pour aller se doucher à son tour. Elle ne voit que son sourire qui semble vouloir parler. Est-il simplement heureux d’aller se rafraîchir ? A-t-il trahi sa parole pour venir l’observer pendant qu’elle était sous l’eau ? A-t-il deviné ce qui se passait en elle ? Elle s’interroge quelques minutes avant de se dire qu’au fond, elle n’en a rien à faire. La seule chose qui lui importe, c’est qu’elle a envie de lui !  

Elle n’hésite plus et court sur le sentier. Elle a vite fait de se dénuder à nouveau et de le rejoindre sous la cascade. Ilest beau et musclé comme un Apollon. Elle se glisse derrière lui, passe ses mains autour de sa taille, presse ses seins contre son dos, pose son front contre son épaule. Il se laisse faire et reste silencieux. Elle reste quelques instants immobile, profitant de l’instant présent, du contraste entre la chaleur de ce corps et la fraîcheur de l’eau. 

Elle couvre sa nuque de baisers, elle poursuit sur son épaule avant de sucer le lobe de son oreille en y mettant toute la sensualité qu’elle garde en réserve depuis trop longtemps. Virgile se retourne doucement et pose ses lèvres sur les siennes. Tandis qu’il serre son corps contre lui, sa langue s’immisce dans sa bouche, la pénètre doucement mais fermement, prélude exquis aux plaisirs désirés. 

Ses sens s’affolent quand elle prend conscience de la verge bandée qui appuie sur son pubis. Elle en a envie, sans plus attendre. Elle s’accroupit doucement. Sa bouche parcoure le corps svelte de son Adonis, son menton, son poitrail, ses petits tétons, son nombril, ses abdominaux saillants. Elle embrasse ses poils pubiens, le haut de ses cuisses, prenant bien soin d’éviter ce sexe qui dodeline insolemment. Elle se sent d’humeur joueuse.
Mais bientôt, Virgile en veut plus : il pose ses mains contre sa nuque et la guide vers son dard. Elle cherche à enrouler sa langue autour, lèche la hampe jusqu’aux bourses qu’elle enveloppe un instant de ses lèvres. Ses doigts font glisser son prépuce pour dégager le gland qu’elle prend en bouche avec volupté. Elle lèche et suce cette queue comme une glace rafraîchissante. Elle sent qu’il viendra rapidement. Est-ce son jeune âge ? Est-ce que sa présence l’excitait depuis trop longtemps ? Ce n’est pas grave, pour le moment, elle veut le goûter. Elle fait coulisser sa main sur sa hampe, accélère les va et vient de sa bouche, vient titiller son gland du bout de la langue… et accueille avec plaisir les giclées de semence qu’elle avale avec gourmandise. 

Elle s’écarte alors de lui et se redresse pour l’embrasser. Féline, elle se love contre lui, frotte ses seins contre son poitrail, guide sa main vers son entrejambe, et l’embrasse. Elle s’abandonne à lui, debout sous l’eau. Ses mains sont douces. Elles glissent en elle et découvrent son clitoris. C’est très agréable, même si elle sait déjà qu’il ne lui donnera pas d’orgasme ainsi. Elle en veut plus.

Lorsqu’il cesse ses caresses et s’éloigne légèrement, l’air tendu, elle a l’impression d’être tirée brutalement du sommeil au milieu d’un rêve. Il a l’air tendu, inquiet.

— Virgile ?

— Claude, regarde ces nuages noirs qui viennent de nous recouvrir. Il va bientôt pleuvoir à verse. L’eau va monter très vite. Il faut que l’on quitte le fond de cette ravine ! Cours ! 

Ils attrapent leurs vêtements, se contentent d’enfiler leurs chaussures et courent jusqu’au camion. Ils ne prennent même pas le temps de se rhabiller. Claude fait mugir le moteur puissant de l’engin. Son guide lui indique un chemin. La pente est vertigineuse. Les roues patinent dans la boue qui dévale en torrent. Elle transpire. Comment a-t-elle pu être aussi insouciante. C’est leur vie qui est en jeu maintenant. Elle entend son compagnon crier dans la radio pour couvrir le bruit des intempéries.

— Affirmatif, mon commandant, nous quittons la ravine et allons nous abriter à la grange Hoarau… Négatif, nous n’avons pas besoin d’assistance… Je vous ferai un nouveau rapport de situation quand nous serons à l’abri.  

Comment peut-il être aussi serein? Elle n’en mène pas large. De nouveau, elle sent la sueur la recouvrir. Elle reprend peu à peu confiance en elle. Elle connaît son camion. Elle sait lui faire donner le meilleur de lui-même comme un dompteur avec ses fauves. Même nue, elle ne doit plus être vraiment sexy, avec cette couche de sueur et ses muscles sollicités par la conduite. Cette pensée lui redonne le sourire. Heureusement qu’il ne peut pas lire en elle !

— Tu es extra, Claude ! Quand je pense que personne ne voulait faire équipage avec toi. « Se faire conduire par une femme, jamais ! » disaient-ils. Moi, je sais que j’ai fait le bon choix. 

Encore trois virages en épingle et ils arrivent sur une petite esplanade, partiellement creusée dans la falaise. Claude se gare près d’une petite grange en bois, peinte en jaune et vert, à la manière créole. Virgile saute du camion, toujours nu, se faufile dans une petite grotte et revient trente secondes plus tard en brandissant une clé.

— D’habitude, Furcy monte de Grand Bassin tous les jours pour accueillir les randonneurs et leur faire visiter sa plantation. Heureusement que je connais sa cachette !

Il ouvre la porte et fait entrer Claude. 

A l’intérieur, elle est submergée par l’odeur envoûtante des milliers de gousses de vanille en cours de séchage. Elle se sent emportée dans un monde parallèle. Dans la pénombre, tous ses sens sont exacerbés. Alors que Virgile lui tend une serviette pour qu’elle se sèche, elle ne pense qu’à une chose. Elle le veut lui, maintenant. Elle dégage un espace sur la table de séchage et y étend sa serviette, avant de s’allonger, cuisses ouvertes vers son guide.

Elle ferme les yeux, attrape une gousse et la frotte sur sa peau. Elle l’écrase pour que l’huile suinte. Elle se masse les seins avec, yeux fermés, puis elle descend vers son ventre. Elle approche de son entrejambe quand elle sent une main la retenir. Elle insiste, mais elle doit vite renoncer et se laisser faire. Il lui remonte les mains au dessus dela tête. Il les maintient fermement sur l’établi au milieu de la vanille. Elle respire plus fort. Elle le sent prendre place entre ses cuisses. Enfin, son membre glisse dans son vagin. Elle passe ses jambes autour de ses cuisses. C’est la seule marge de liberté qui lui reste. Pour le reste, elle ne peut que subir. Mais elle ne s’en plaint pas. Elle est si bien. Elle aime qu’il soit entreprenant, qu’il la prenne à sa guise. Elle n’attend que ça. Il frotte son corps contre elle. Elle a l’impression de s’imbiber de la vanille, de s’imbiber de lui aussi. Elle n’est bientôt plus que plaisir, plaisir des sens, de tous les sens. Elle est femme, femme heureuse, femme comblée. Elle tremble de tout son corps. Il la tient toujours, la prend avec plus de vigueur. Elle sent une houle venue du profond d’elle-même. Elle se laisse submerger ! Oui !

— Viens mon amour, viens, maintenant !

Virgile n’attendait que ce signal. Il éjacule en elle en longues saccades. Ils ne font plus qu’un dans leur jouissance. Communion des corps et des esprits. 

Ils restent longtemps enlacés.

— Tu sais Virgile, en métropole, à chaque fois que je verrai de la vanille, je penserai à toi, à ces moments hors du temps que nous vivons aujourd’hui. Je suis si heureuse. A vrai dire, je ne veux pas penser à demain et encore moi au retour à Marseille.

— Parce que tu crois te débarrasser de moi aussi facilement ?

— Il faut me comprendre. Là-bas, j’ai mes parents, mes amis, mon appartement, mon travail, ma vie…

— C’est toi qui ne m’as pas compris : j’ai été admis à l’Ecole Nationale Supérieure des Officiers de Sapeurs-Pompiers. Je pars à Aix-en-Provence à la rentrée.

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Cette nouvelle vous est offerte par le talentueux Erik Torrent. Retrouvez-le sur son site ou bien envoyez-lui un email à erik-e@hotmail.fr pour lui dire combien ce récit vous a excité :-)

Erik est également l'auteur de Première Infidélité, nouvelle érotique parue sur le site. Pour en savoir plus sur Erik, relisez sont interview d'auteur érotique.

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